L'offensive terrestre d'Israël dans la Bande de Gaza a semble-t-il commencé samedi, alors que l'opération "plomb durci" contre les tirs de roquettes du Hamas entrait dans sa deuxième semaine. Des troupes ont franchi la frontière dans la soirée, selon des responsables israéliens de la sécurité.
L'opération devrait durer plusieurs jours mais l'objectif n'est pas de réoccuper la Bande de Gaza, que l'armée avait quittée en 2005 après 38 ans d'occupation, ont assuré ces sources.
"Nous avons de très, très nombreuses cibles. A mon avis, ce sera une opération de longue haleine", a déclaré le commandant Avital Leibovich, porte-parole de l'armée, ajoutant que le Hamas disposait d'installations souterraines, notamment des tunnels utilisés pour passer des armes et marchandises malgré le blocus israélien et égyptien.
Les télévisions israéliennes ont montré les fantassins et chars traversant la frontière au nord de la Bande de Gaza, soutenus par des hélicoptères de combat, tandis qu'éclataient de nombreux coups de feu. Les forces restaient près de la frontière, selon des témoins. L'artillerie a ouvert un feu nourri sur des secteurs situés à l'est de Gaza, où sont déployés des miliciens islamistes.
Quelque 10.000 hommes se sont massés à la frontière ces derniers jours, d'après des responsables de la Défense. En début de soirée, d'importants tirs d'artillerie avaient permis de déminer le passage piégé par le Hamas, avant que les troupes ne s'y engagent.
Les frappes aériennes s'étaient calmées dans la journée avant de repartir à la nuit tombée. Au moins 26 Palestiniens ont été tués dans la journée, dont 13 dans le bombardement d'une mosquée dans la ville de Beit Lahiya, selon un responsable médical palestinien.
Des sources palestiniennes et onusiennes dénombrent déjà plus de 460 morts, dont plusieurs dizaines de civils. Quatre Israéliens ont aussi été tués depuis le début de l'attaque israélienne lancée le 27 décembre en réaction aux tirs de roquettes depuis la Bande de Gaza sur le sud de l'Etat hébreu. L'intervention "plomb durci" a commencé après de telles attaques, le Hamas ayant proclamé le 19 décembre la fin d'une trêve de six mois néanmoins émaillée de tirs.
Signe peut-être de ce que l'offensive israélienne entre dans une nouvelle phase, des responsables militaires ont annoncé samedi l'intervention pour la première fois de l'artillerie, qui a tiré depuis la frontière. L'artillerie est moins précise que les missiles guidés et pourrait faire davantage de victimes civiles.
Des responsables du Hamas ont signalé des mouvements de chars vers le point de passage d'Erez. D'après des responsables de la Défense ayant requis l'anonymat, le commandement était divisé sur l'opportunité d'une offensive terrestre qui pourrait se solder par de lourdes pertes humaines alors que le Hamas paraît déjà profondément atteint.
Samedi, l'armée israélienne a frappé les bureaux de l'hebdomadaire du Hamas "Al Resala" et l'Ecole internationale américaine, l'institution scolaire la plus prestigieuse de Gaza, les logements de deux responsables opérationnels soupçonnés de receler des armes et de planifier des attaques, des avant-postes, des camps d'entraînement, des sites de lancement de roquettes.
Les infrastructures de la Bande de Gaza sont gravement endommagées et de nombreux secteurs sont privés d'électricité et d'eau. Israël nie l'existence ou la menace d'une crise humanitaire et a accru l'approvisionnement en vivres de l'étroit territoire côtier, en insistant sur sa volonté de s'en prendre au Hamas et non aux civils.
Malgré les frappes israéliennes, une dizaine de roquettes palestiniennes se sont abattues samedi sur le sud de l'Etat hébreu, faisant un blessé léger, selon la police.
Tout en planifiant une intervention terrestre, Israël s'est dit prêt à accepter un cessez-le-feu s'il était placé sous la surveillance d'observateurs internationaux. L'idée a été reprise par le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, et le président américain George W. Bush, tandis que le président français Nicolas Sarkozy était attendu lundi et mardi au Proche-Orient pour promouvoir la trêve humanitaire suggérée par les ministres européens mais déjà rejetée mercredi par Israël.
Le Hamas a réagi avec circonspection, son porte-parole à Gaza Taher Nunu prévenant que le Mouvement n'accepterait pas de solution par Israël et la communauté internationale, tout en laissant la porte entrouverte au "dialogue".
Le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, qui ne contrôle plus que la Cisjordanie depuis que les islamistes du Hamas ont pris le pouvoir par les armes dans la Bande de Gaza en juin 2006, a pour sa part annulé un déplacement à l'ONU lundi pour rencontrer Nicolas Sarkozy et une délégation de l'Union européenne.
Il devrait s'exprimer à l'ONU mardi, selon son conseiller Saeb Erekat, pour demander au conseil de sécurité de condamner Israël et d'exiger la fin immédiate de l'offensive contre la Bande de Gaza. Le texte sera discuté lundi mais a peu de chances d'être adopté car les Etats-Unis, qui possèdent un droit de veto, jugent inacceptable qu'il n'appelle pas à l'arrêt des tirs de roquettes du Hamas.
L'offensive israélienne a déclenché dans le monde un vaste mouvement de soutien aux Palestiniens de la Bande de Gaza et des dizaines de milliers de personnes ont manifesté samedi dans le monde arabo-musulman, en Asie ou en Europe, notamment à Londres et à Paris. AP